ENTRETIEN AVEC INGRID GALLERINI, diététicienne-nutritionniste du sport

Chez les sportifs passionnés, on parle souvent d’entraînement, de motivation, de performance… mais rarement de récupération. Pourtant, c’est pendant cette phase que le corps progresse, se régénère, et construit les bases des performances futures. 

L’alimentation est l’un des piliers d’une bonne récupération musculaire. 

Pour creuser ce sujet, j’ai eu le plaisir d’échanger avec Ingrid Gallerini (nutrisport.diet), diététicienne-nutritionniste spécialisée dans l’accompagnement des sportifs. À la croisée de trois mondes — le cyclisme de haut niveau, la nutrition thérapeutique et la nutrition du sportif — Ingrid Gallerini apporte un regard unique et complet sur l’alimentation au service de la performance et de la santé.

ingrid gallerini nutritionniste

Dans cet entretien, elle nous partage sa vision, ses conseils concrets, et les erreurs fréquentes à éviter. Passionnant!

Voici l’enregistrement audio de notre échange :


Bodyunlockers : Bonjour INGRID

Ingrid Gallerini : Bonjour Guillaume.

Bodyunlockers : Ravi de te rencontrer et merci d’avoir accepté cette invitation.

Ingrid : Avec plaisir.

Bodyunlockers : Ingrid, je suis vraiment super content de faire cet entretien avec toi. Depuis que je m’intéresse de près à la récupération musculaire, j’ai découvert beaucoup de choses sur la nutrition. Mais comme je n’ai pas de formation dans ce domaine, j’ai hâte d’avoir les conseils d’une vraie spécialiste.
Pour commencer, j’aimerais que tu nous parles un peu de ton parcours. J’ai cru comprendre que tu avais été sportive de haut niveau? Comment en es-tu venue ensuite à te spécialiser dans la nutrition ?

Ingrid : Oui, je suis cycliste. Mais contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas le sport qui m’a conduite à la nutrition.
J’ai d’abord travaillé plusieurs années en milieu hospitalier, ce qui m’a permis d’acquérir une solide expérience en nutrition thérapeutique — un vrai atout aujourd’hui. Grâce à ça, je peux accompagner les sportifs de manière globale, y compris ceux qui rencontrent des problèmes de santé.
Après plusieurs années dans le milieu hospitalier, j’ai eu envie de partager ce que j’expérimentais moi-même dans le cadre de ma pratique du vélo, notamment sur le plan alimentaire.
Je me suis donc formée en nutrition du sport, et aujourd’hui, je travaille exclusivement avec des sportifs en libéral.

ingrid gallerini nutritionniste cycliste

Bodyunlockers : D’accord. Et quelle formation tu as faite pour te spécialiser en nutrition ?

Ingrid : C’est un diplôme universitaire supplémentaire, tout simplement.

Bodyunlockers : D’accord. Et le cyclisme tu l’as pratiqué sur route ?

Ingrid : Oui, sur route et également sur piste.

Bodyunlockers : Et là, tu ne travailles que dans la nutrition depuis longtemps ?

Ingrid : Je suis diététicienne depuis 20 ans et ça fait 10 ans que je me suis spécialisée en nutrition du sport.

Bodyunlockers : D’accord, donc double casquette et solide expérience.

Ingrid : C’est ça (sourire).

Bodyunlockers : Et tu as monté un site internet ?

Ingrid : Exactement. Les sportifs que j’accompagne ne sont pas forcément sur place. Moi, j’habite dans les Hautes-Alpes, à Gap, donc les sportifs ne sont pas forcément dans le coin. Donc oui, j’ai un site internet et je travaille à distance également pour ceux qui sont loin.

Bodyunlockers : OK. Et quel type de sportif tu accompagnes ? 

Ingrid : J’accompagne tous types de sportifs. C’est vrai que j’ai beaucoup de cyclistes, des sportifs d’endurance, que ce soit cyclisme, trail, triathlon. Mais de plus en plus, j’ai aussi des sportifs de force ou des personnes issues de sports collectifs, comme les footballeurs par exemple.

Bodyunlockers : Quand un sportif te contacte, sa motivation, c’est quoi ? C’est la progression ? Le bien-être ?

Ingrid : Il y a différentes raisons. Certains veulent optimiser leur alimentation pour performer — ce sont ceux que je suis sur une saison entière. D’autres cherchent à perdre de la graisse ou à prendre de la masse musculaire. D’autres ont un objectif bien précis à préparer et veulent mettre toutes les chances de leur côté. Ceux-là, je les vois sur une période plus courte, avec un objectif bien précis.

Bodyunlockers : Moi, en tant que joueur de tennis, si j’ai un tournoi où j’ai vraiment envie de performer, je peux te contacter. Mais j’imagine que pour avoir des résultats, il faut quand même un certain temps. Combien de temps avant faut-il s’y prendre pour bien se préparer et prendre de bonnes habitudes ?

Ingrid : Je dis toujours qu’il faut environ six mois de suivi. Déjà pour qu’on apprenne à se connaître, le sportif comme moi, que je connaisse ses habitudes alimentaires, et le temps que l’organisme s’habitue à ce changement.
Après, pour un objectif bien précis, deux ou trois mois avant peuvent suffire. Par exemple, ceux qui préparent un marathon viennent parfois me voir que deux ou trois mois avant pour travailler spécifiquement sur l’alimentation pendant l’effort, et ça suffit.


Bodyunlockers : Quand un sportif te contacte, c’est quoi ta première approche pour évaluer ses besoins ? Comment tu commences à travailler avec lui ?

Ingrid : Déjà, chaque sportif est unique, donc forcément le plan alimentaire sera différent d’une personne à une autre.
Mais il y a quand même une approche commune : analyser les besoins de la personne, en fonction de la discipline, voir si l’alimentation est cohérente avec la charge d’entraînement, et étudier les erreurs alimentaires qui peuvent exister.


Bodyunlockers : J’ai vu sur ton site que tu avais un calculateur pour les besoins, pour les ravitaillements, en fonction de l’effort, des caractéristiques physiques du sportif?

Ingrid : Oui tout à fait. J’ai conçu ce calculateur qui prend en compte la sudation de la personne — parce qu’on ne transpire pas tous de la même façon. Donc les besoins en sodium et en eau sont différents. Il prend aussi en compte la température extérieure, et bien sûr l’intensité de l’effort, pour ajuster au mieux les apports en glucides.

Bodyunlockers : Parlons justement de nutrition. Dans la récupération musculaire, on entend beaucoup parler du sommeil, de l’entraînement bien sûr, et des massages aussi. Et l’un des autres piliers, c’est bien sûr l’alimentation. Quelle place tu lui donnes, à cette alimentation, par rapport aux autres piliers ?

Ingrid : Il y a une pyramide qu’on peut retrouver sur Internet, la pyramide de récupération.
À la base, on retrouve le sommeil. En deuxième, c’est l’alimentation.
Donc je dirais que l’alimentation en récupération est essentielle.
On parle souvent de la règle des 3 R :

  • Resynthèse des réserves énergétiques (glucides)
  • Réparation des fibres musculaires (protéines)
  • Réhydratation

Bodyunlockers : Tout à fait. Et les erreurs que tu constates le plus souvent chez les sportifs, ce sont lesquelles ?

Ingrid : L’une des principales erreurs, c’est la réhydratation, souvent négligée après l’effort.
Ensuite, certains se jettent sur de la protéine, et uniquement sur de la protéine, et oublient les glucides.
Et puis il y a aussi ce temps de récupération qui est important : il y a des sportifs qui vont mettre beaucoup de temps à manger après l’effort. C’est une erreur qu’on voit souvent.

Bodyunlockers : C’est vrai que certains sports peuvent couper la faim. Pour moi, ce n’est pas évident de manger juste après un effort. On reviendra sur ce point. 

Tu parlais de réhydratation : Il y a des sports qui se pratiquent le soir, et dans ce cas, il y a ce dilemme : boire beaucoup le soir pour se réhydrater, mais risquer d’être réveillé la nuit pour aller aux toilettes, au détriment du sommeil. Tu as un conseil là-dessus ?

Ingrid : Non (sourire), je n’ai pas vraiment de conseil spécifique… mais la priorité, ça reste la réhydratation.
Même si on se lève la nuit, il vaut mieux bien se réhydrater. C’est important.

Bodyunlockers : Tu nous as parlé de protéines, de glucides… Tu peux nous rappeler le rôle de chacun, pour que nos lecteurs comprennent bien ?

Ingrid : Oui.
Les glucides permettent de reconstituer les stocks en glycogène, les réserves d’énergie utilisées pendant l’effort.
Les protéines servent à réparer les fibres musculaires.
On les retrouve dans les viandes, poissons, œufs, produits laitiers…
Et bien sûr, l’eau (et le sodium) pour réhydrater l’organisme.

Bodyunlockers : En fonction du sport pratiqué, endurance ou force, est-ce que les proportions changent dans l’assiette ?

Ingrid : Oui, il y a un ratio glucides / protéines à respecter.

  • Pour les sports d’endurance : 4 pour 1 (ex. 80 g de glucides pour 20 g de protéines). Il faut donc 4 fois plus de glucides que de protéines.
  • Pour les sports de force : 1 pour 1
  • Pour les sports mixtes (tennis, foot…) : 2 pour 1

Bodyunlockers : Ah oui, donc il y a de vraies différences selon le sport !

Ingrid : Oui, complètement.


Bodyunlockers : Et dans certains sports, comme le tennis, on ne sait pas trop si c’est un sport de force ou d’endurance. Il y a un peu des deux : l’effort est long, mais il faut être puissant et explosif tout du long.

Ingrid : Exactement. Le tennis, le foot… ce sont des sports mixtes qui sollicitent à la fois le système aérobie et anaérobie.
La récupération est très très importante dans ces sports-là, c’est crucial pour éviter les blessures et pouvoir performer sur plusieurs jours consécutifs.

Bodyunlockers : Est-ce que tu peux nous donner un exemple d’assiette type après un effort, pour un sportif d’endurance par exemple ?

Ingrid : Oui, j’aime bien conseiller… la soupe! Pour tous les sportifs, que ce soit des sportifs d’endurance ou de force.
C’est hydratant, plein de minéraux et de légumes, avec du sodium, donc très bon pour la récupération.
Tu peux y ajouter des féculents (flocons d’avoine, petites pâtes, légumineuses…).
Et ensuite, une protéine maigre (œufs, poulet), une portion de céréales (riz, pâtes), un produit laitier et un fruit, c’est assez classique. Pour les sportifs d’endurance, on peut prendre un dessert encore plus glucidique comme un gâteau de semoule ou de riz pour compléter encore plus les apports en glucides.

Bodyunlockers : La soupe après le sport, j’avoue que je n’ai jamais essayé! (rire)… je vais essayer ! (rire)
Dans la soupe, tu conseilles des légumes en particulier ?

Ingrid : Non, tous les légumes sont très bons. L’important c’est qu’elle plaise, peu importe la recette.

Bodyunlockers : En fonction de l’âge et du sexe du sportif, est-ce qu’il y a des recommandations différentes ?

Ingrid : Oui, bien sûr.
Chez les femmes, il faut être plus vigilant sur certains micronutriments comme le fer ou le calcium.
Avec l’âge, il faut veiller à l’apport en protéines, car on à tendance à perdre de la masse musculaire.
Et chez les jeunes en pleine croissance, les besoins énergétiques sont élevés, donc il faut bien s’assurer qu’ils mangent suffisamment, notamment en protéines et calcium.

Bodyunlockers : Tu parlais tout à l’heure du moment où l’on mange après le sport. Sur mon site, je parle de la fameuse fenêtre métabolique ou anabolique, qui serait un moment privilégié pour manger plus efficacement juste après le sport. En tant que spécialiste, tu peux nous dire s’il est effectivement important de se nourrir pendant cette fenêtre ?

Ingrid : Oui je le conseille, surtout pour les sportifs qui enchaînent les séances ou les compétitions. Dans ce cas, cette fenêtre métabolique est importante.
Plus vite tu vas apporter à l’organisme des glucides et des protéines, plus vite la resynthèse des stocks énergétiques va se faire, et plus vite la resynthèse des protéines se refera également.
Ça permet une meilleure récupération et une meilleure forme le lendemain, pour être prêt à repartir.

Bodyunlockers : Moi parfois, je suis en tournoi, le club est à une heure de route, je rentre tard… Pas facile de cuisiner directement en arrivant. Donc ce n’est pas évident de manger rapidement après l’effort. Tu aurais une astuce ?

Ingrid : Oui, tu peux te préparer un petit pique-nique de récupération, ou utiliser une boisson de récupération.
Ces boissons contiennent protéines, glucides, sodium… tout ce qu’il fait pour patienter jusqu’au repas suivant.

Bodyunlockers : Ce sont des compléments alimentaires dont tu parles ?

Ingrid : Oui ce sont des compléments alimentaires. Il en existe beaucoup aujourd’hui, dans les magasins de sport notamment. Chaque marque a ses produits de récupération.

Bodyunlockers : Justement, parlons un peu compléments alimentaires. Est-ce que tu en conseilles ? Si oui, lesquels ? Et pour quel type de sportifs ?

Ingrid : Je recommande d’abord de chercher à tout trouver via l’alimentation. Mais pour les sportifs, surtout ceux qui pratiquent à haut niveau, ce n’est pas toujours suffisant. Il faut alors se supplémenter.
Les plus utiles :

  • Protéines en poudre (la fameuse whey)
  • Boissons de récupération
  • Certains minéraux comme le Magnésium, et avoir des vitamines comme la vitamine D, les oméga-3, multivitamines parfois

Bodyunlockers : On entend aussi beaucoup parler du collagène. Tu en penses quoi ?

Ingrid : Il y a des pour et des contre. Certaines études disent que c’est utile, d’autres que c’est placebo.
Mais c’est réputé pour les articulations, après des sports de force (muscu, crossfit), ça aurait tout son sens. En tout cas, en cas de blessure, je le conseille, notamment pour les tendinites.

Bodyunlockers : Oui, j’en avais entendu parler dans ce contexte-là.

Ingrid : Moi je le recommande, même si ça ne fait pas l’unanimité. Surtout pour les sportifs un peu plus âgés, qui produisent moins de collagène naturellement. Pour protéger les articulations.

Bodyunlockers : Autre question sur les compléments : la qualité. Parce que j’ai fait un comparatif des whey sur mon site, et il y a vraiment à boire et à manger… Tu as des marques que tu recommandes ?

Ingrid : Oui, déjà, bien regarder la provenance et éviter les additifs autant que possible.
Moi je recommande Nutripure, une marque française connue, avec des produits de qualité. Je les conseille sans problème.

Bodyunlockers : Dernier point : les ados. On me demande souvent : « mon ado fait 6h de sport par semaine, voire plus, est-ce qu’il peut prendre de la whey ? ». Parfois la demande vient des ados eux-mêmes. Nombre d’entre eux font de la muscu pour développer un peu leur corps, et demandent à leur parents s’ils peuvent en consommer. Qu’en penses-tu ?

Ingrid : Alors il y a ado et ado…

  • Avant 15 ans, clairement je pense que ce n’est pas très utile. On trouve tout dans l’alimentation, et il faut d’abord éduquer les ados à manger correctement. Donc avant 15 ans je dirai non, à part éventuellement de la vitamine l’hiver.
  • Après 15 ans, si l’activité est intense, avec parfois des volumes d’entraînement dignes de professionnels (10–15h/semaine), oui, une supplémentation peut avoir du sens.
    Mais encore une fois, attention à ne jamais remplacer un repas par de la poudre ! Les éduquer à bien manger avant de se supplémenter est important. L’alimentation naturelle reste la priorité.

Bodyunlockers : Donc, priorité à l’alimentation. Merci Ingrid. On a couvert tous les points que je voulais aborder. Dernière question : qu’est-ce que tu aimes le plus dans ton métier ?

Ingrid : Ce que j’aime le plus c’est d’accompagner les sportifs dans leurs objectifs, d’entendre leur retour d’expérience, et les voir revenir avec la banane après avoir fini un ultra-trail, une étape du tour, ou après un succès en compétition… ça j’adore!
Et puis, travailler avec des gens passionnés, heureux, ça fait aussi du bien au moral en tant que diététicienne.

Bodyunlockers : Super. Où peut-on te contacter ?

Ingrid : Via mon site (nutrisport.diet), ou sur mes réseaux : Facebook, Instagram.
Si on tape “Ingrid Gallerini NutriSport”, on me trouve !

Bodyunlockers : Je mettrai les liens dans l’article. Merci encore Ingrid, c’était super instructif. J’ai appris plein de choses, notamment la soupe pour la récup. Ecoute je vais tester, et si ça marche, je penserai à toi à chaque fois que je mange de la soupe après le sport (rires)!

Ingrid : Merci ! (rires)

Bodyunlockers : Merci beaucoup et à bientôt!

Pour joindre Ingrid, vous pouvez retrouver toutes les informations sur son site : https://nutrisport.diet/

Instagram : @ingrid_gallerini

Facebook : Ingrid Gallerini

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